Interview par Willy Vignal

Dans cette rubrique « Interview », vous allez pouvoir lire chaque semaine l’interview d’un ou d’une artiste. Cette semaine, vous allez assister à l’interview d’Alexandra Duvivier, une magicienne professionnelle qui se produit souvent au café-théâtre Le Double Fond, à Paris. Voici les questions que je lui ai posées ainsi que ses réponses, en italique :

Est-ce que vous avez toujours voulu être magicienne ?

« Oui et non. Je n’ai commencé dans ce domaine qu’à l’âge de 15 ans. J’ai eu le déclic en voyant mon père faire l’un de ses célèbres tours de magie revisité à sa façon « les gobelets » devant un parterre de 700 personnes et lorsque ce public s’est levé pour lui faire une standing ovation, j’ai compris ce que la magie pouvait faire passer comme émotion et j’ai tout de suite su ce que je voulais être. »

Avez-vous rencontré des difficultés pour accéder à ce monde ?

« J’ai rencontré plusieurs difficultés. La première difficulté était de trouver sa place dans ce monde où les femmes n’étaient que les assistantes des magiciens ! La deuxième difficulté : me   faire un prénom après celui de mon père TRES connu dans le milieu de la prestidigitation. Enfin, la dernière difficulté était ma timidité. Et quand je parle de timidité je veux dire une timidité extrême, par exemple, dire « bonjour » était une vraie épreuve. Et c’est marrant de constater que j’ai choisi un métier extrêmement « exposé » qui m’a obligée à sortir de ma zone de confort ! »

Vous avez participé à un très grand spectacle de magie en 2018 en Amérique et vous avez même réussi à bluffer les 2 plus grands magiciens américains. Comment vous êtes-vous sentie lors de votre prestation ? Etiez-vous intimidée ?

« En fait, j’avais plus le trac que le stress. LA différence entre les deux est importante : le trac est le moteur qui vous tire vers le haut pour se surpasser, et le stress est le mauvais diable qu’on a en chacun de nous et qui nous tire vers le bas, du style est-ce que j’ai assez travaillé ? est-ce que je me souviens bien de mon texte, etc… J’avais le trac car je connaissais depuis longtemps Penn and Teller ayant vu leurs multiples shows TV. En revanche, je n’avais pas de stress car j’avais énormément répété : mon discours, mon tour, mes blagues (« Three Baguette Monte » au lieu de « Three Card Monte » pour le nom du bonneteau en anglais), d’où l’importance d’écouter ses cours d’anglais, de voir des films en VO… »

Comment avez-vous subi la crise du Covid lorsque tous les lieux accueillant du public étaient fermés ?

« Au début comme tout le monde, on s’est tous senti mal : on ne pouvait plus avoir de vraie interaction avec son public… Puis il a fallu « rebondir » et « profiter » de ce temps qui nous était imposé ! Avec mon père Dominique Duvivier et avec l’équipe du Double Fond (le café-théâtre de magie dans Paris), on en a aussi profité pour créer une chaîne de streaming dédiée à l’Art magique : DoubleFond.TV, qui permet d’assister à des tours, à leurs explications, à des interviews de magiciens, à des archives de spectacles, à de la théorie (comment créer un personnage, comment construire un show, …).

Nous avons également créé une émission « Fast and Magic », pour proposer des tours de magie flash, les dernières nouveautés. Donc cette période a été très créative à défaut d’être participative ! »

Vous avez réalisé de nombreux spectacles à la fois pour les enfants mais aussi pour les adultes. Est-ce que les spectacles pour enfants sont plus difficiles à réaliser que les spectacles pour adultes ?

« Absolument. Lors d’un spectacle pour enfants, ils ne vont pas hésiter à vous crier : « J’ai vu la carte !». Ils sont sans filtre et vous disent immédiatement ce qu’ils ont dans l’esprit. A nous professionnels de savoir gérer et de pallier ce genre de réaction. C’est une très bonne école d’apprentissage. J’adore faire des spectacles pour les enfants. »

Pourquoi pensez-vous que la magie soit encore très stéréotypée, avec le magicien qui fait sortir un lapin de son chapeau ?

« La magie est un art très ancien qu’il faut dépoussiérer et cela prend beaucoup de temps car de nombreuses personnes ont encore malheureusement l’image de la vieille magie… La magie est en plein renouveau. Par exemple, il y a de plus en plus de magiciennes, même si elles ne représentent que 2% des artistes en magie, mais tout cela est en bonne voie. C’est comme en politique : il y a quelques années, il n’y avait pas beaucoup de femmes, maintenant il y en a plus, certes trop peu, mais il y en a. Alors, allez les filles ! »

Comme je l’ai déjà dit, vous avez créé de nombreux spectacles, alors quelle est la difficulté majeure lors de la création d’un spectacle ?

« La difficulté majeure, c’est l’histoire à raconter. On connaît des tours, on connaît des techniques, mais le fil rouge DOIT prendre une part très importante dans un simple tour car il permet de ne pas faire juste de la performance, mais de faire voyager le public ailleurs, de lui parler de NOS passions, de nos doutes, de nos joies, etc… Et c’est bien ce que l’on recherche lorsqu’on va au cinéma, ou au théâtre, ou pour un comédien de stand-up : on veut savoir quelle est SON histoire !»

Créez-vous vos propres tours ?

« Bien sûr ! D’ailleurs, le confinement m’a permis d’en inventer de nouveaux. »

Je le dis pour les lecteurs qui ne le sauraient pas, mais il existe plusieurs catégories de magie comme le close-up (de très près), le salon (pour à peu près 50-80 personnes) et la scène. Quelle catégorie préférez-vous ?

« J’ADORE le close-up et le salon parce qu’il y a beaucoup d’interaction avec le public : la proximité se prête merveilleusement à des échanges et rebondissements avec les spectateurs… Et je pense que cette relation spectateurs/magiciens est importante lors d’un spectacle en close-up ou salon. Elle permet l’improvisation, et je m’éclate dans ce domaine aussi ! J’aime regarder les numéros de scène mais j’ai moins d’affinités avec cette catégorie de magie. »

Quels sont vos projets ? Préparez-vous un nouveau spectacle ?

« Oui, j’y travaille… J’ai mon 4ème one woman show en préparation. J’ai déjà l’affiche, le pitch (le fil rouge) et les tours… maintenant, « y’a plus qu’à ! »

Si le monde de la magie s’écroulait, quel métier choisiriez-vous ?

« Je pense que je ne choisirais aucun autre métier ! C’est vraiment une passion viscérale et un moyen d’expression formidable, je pense qu’il y aura toujours de nouveaux moyens de faire de la magie, même s’il faudra le faire avec des feuilles d’arbre ou des concombres, parce qu’il n’y aura plus que ça !!! Je pense que les hommes préhistoriques faisaient déjà de la magie (disparitions de cailloux…) et ils ont réussi à la transmettre jusqu’à aujourd’hui, alors pourquoi pas nous aussi ? »

 

Rendez-vous sur : www.doublefond.com (pour voir des spectacles de magie)

Ou sur mon insta : alexandraduvivieroff (pour qu’on reste connecté ensemble)

Ou sur : doublefond.tv (pour apprendre la magie)

Ou sur www.mayette.com (pour acheter un tour de magie)

 

Interview réalisée par Willy Vignal en novembre 2021 pour le journal de son collège.

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