Alexandra Duvivier : une magie rapprochée jusque dans ses secrets de fabrication
Avec Secrets de fabrication, la magicienne Alexandra Duvivier nous livre un spectacle de grande qualité, entre poésie, rire et émerveillement. Créé en ce doux mois de mai 2017, Secrets de fabrication est le troisième seul-en-scène de l’artiste ; il est dorénavant intégré à la magnétique programmation du Double Fond.
[Critique]
Alexandra Duvivier est une artiste parcimonieuse, dévoilant son art avec mesure et timidité, à en croire son père, le célèbre magicien Dominique Duvivier. En quelque 15 années, elle n’a présenté que trois spectacles. En ce mois de mai, elle dévoile – enfin – ses Secrets de fabrication. Un seul-en-scène où la magie a le pouvoir de surprendre, mais encore de raconter, d’émerveiller, de nous faire retrouver le goût de l’enfance.
Au commencement de la magie…
Dès l’entrée en scène, nous nous retrouvons plongés dans l’univers japonais, qui fascine la comédienne… et ce sera ainsi de tour en tour, d’anecdote en anecdote. Car les secrets de fabrication, scellés dans le titre du spectacle comme une gourmande promesse, ne sont pas ceux des tours en eux-mêmes, mais des expériences de vie qui ont progressivement façonné la vie, le caractère et l’art d’Alexandra Duvivier.
Ces expériences sont nombreuses, du truculent héros Achille Talon au charmant David Bloch, qui faisait battre le cœur de la magicienne dans sa collégienne adolescence, en passant par René Barjavel et sa mystérieuse Nuit des temps. Telle Eléa, l’héroïne du roman de science-fiction dont les souvenirs sont convoqués à l’aide d’une machine, Alexandra Duvivier rejoue son passé avec humour, rythmant son récit fantasmé de tours fascinants.
Certains d’entre eux sont de petites merveilles, comme celui où un spectateur devenu super-héros lance invisiblement des pièces dans un verre retourné, visible par tous : nous voyons la pièce tomber dans le verre, sans comprendre comment un tel prodige est possible. La magie opère toujours…
Alexandra Duvivier n’hésite d’ailleurs pas à se jouer de nous, non sans malice, répétant à trois reprises, très lentement, un tour apparemment simple : nous nous reprochons notre inattention la première fois, sommes perdus à la première reprise et devenons enthousiastes à l’ultime essai, alors qu’elle met cartes sur table, en évidence.
Humour et émerveillement poétique
Passionnée par la magie rapprochée, de proximité – d’intimité pourrions-nous dire –, Alexandra Duvivier aime son public : elle le chérit, interagissant avec fluidité et flexibilité. Et c’est peut-être la plus belle surprise de cette performance : nous rions, beaucoup, grâce à son impressionnante capacité à récupérer les paroles prononcées inopinément par l’un ou l’autre spectateur – y compris lorsqu’elle est lancée dans une longue tirade. Elle qui ne se revendique pas mentaliste semble anticiper toutes nos remarques, des plus enfantines aux plus provocatrices, avec finesse et intelligence.
Sa magie a cette impressionnante faculté de nous plonger dans l’émerveillement poétique propre à l’enfant, jusqu’à nous faire perdre toute réflexivité. À tous les passionnés du genre, à toutes les familles souhaitant vivre une belle soirée avec leurs enfants (à partir de 8 ans), un tel spectacle devrait vous ouvrir un chemin vers les contrées oubliées de votre âge tendre, quand l’aurore était synonyme d’enchantement.
Pierre MONASTIER